Lettres d'amour en temps de guerre: Guillaume Apollinaire, Bertolt Brecht, Nazim Hikmet, Robert Desnos, Pablo Neruda
Lecture poétique et musicale
avec Sonia Masson et Didier Petit (violoncelle)
Dans sa préface au recueil clandestin «L’Honneur des poètes», Paul Eluard nous rappelle, que les poètes sont des hommes comme les autreset que tous les hommes sont à l'échelle du poète. Aussi n’ont-ils jamais esquivé les tragédies qui s’abattaient sur leurs frères humains : guerres, occupations, dictatures, fascisme… pas plus qu’ils n’ont fui l’amour et sa ribambelle de maux et de joie. Hommes de chair autant que de rêve, ils se sont voués doublement à l’action et à l’inspiration.
Leur engagement est le gage de leur sincérité. Quand ils chantent la paix et l’espoir, c’est sans mièvrerie ni faux-semblant, mais avec la force et la foi qui sauvent, dans ces moments où le renoncement gagne, que le monde a perdu son l’équilibre et sombre du côté de la haine et de la mort.
Guillaume Apollinaire, l’artilleur blessé par un éclat d’obus puis trépané, Bertolt Brecht,banni par les nazis, éternel exilé, Nazim Hikmet, reclus pendant quinze ans de sa vie dans les geôles turques, Robert Desnos, résistant, mort du typhus une fleur à la main dans le camp de Térézin, Pablo Neruda, un des premiers hommes à abattre de la junte militaire de Pinochet… Ils ont aimé des femmes, que ce soit Lou, Youki, ou Matilde, aussi intensément, aussi passionnément qu’ils ont haï la guerre, l’injustice, la tyrannie.
Modeste panorama des combats qui ont tragiquement jalonné le XXème siècle, cette lectureveut surtout mettre en lumière la capacité qu’a l’individu à choisir le camp de l’Humanitéet de la Justice, et qui va si justement de pair avec sa propension à tomber amoureux.
image: Jeanne Puchol
Douce, mon adorée,
tu viendras avec moi lutter au corps à corps :
tes baisers vivent dans mon cœur
comme des drapeaux rouges
et si je tombe, il y aura
pour me couvrir la terre
mais aussi ce grand amour que tu m'apportas
et qui aura vécu circulant dans mon sang.
PABLO NERUDA Lettre en chemin
L'Humanité - Lundi 28 janvier 2019
La chronique théâtre de JEAN-PIERRE LÉONARDINI
AU GRAND BONHEUR DES MOTS DITS
Sur les hauteurs de Belleville, où fut prise le 28 mai 1871 la dernière barricade de la Commune , Sonia Masson, escortée par Didier Petit au violoncelle, distille, sous le titre Lettres d'amour en temps de guerre, des poèmes d'Apollinaire, Brecht, Nazim Hikmet, Desnos, Prévert et Neruda. C'est annoncé comme "lecture". Elle est incarnée, chaque phase en étant spécifique eu égard au génie singulier des auteurs. Boléro rouge et pantalon noir, Sonia Masson se meut devant un mur nu, tandis qu'à côté, beau diable aux pieds nu, le musicien improvise à l'envi, psalmodie, malmène et caresse l'instrument, fait corps avec lui , en tire des plaintes déchirantes ou de suaves harmonies en contrepoint de la scansion bien frappée du verbe, pdeuis des Lettres àLou du poète à l'étoile au front, jusqu'à Neruda énoncé en espagnol, en passant par la dialectique de Brecht et la sensualité du grand Turc en prison... Un moment voué aux poètes. C'est si rare!